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Faire vivre l’écrit

On sait que les Druides privilégiaient la transmission orale de leurs enseignements. On entend parfois que la parole écrite est morte et que la transmission orale serait « meilleure » ou « supérieure » à toute autre.

On peut se demander pourquoi. Pendant des siècles, presque tout était transmis de façon orale. La première raison est bien sûr l’illettrisme. Il est cependant difficile de défendre l’idée que les Druides étaient illettrés. Certaines inscriptions prouvent le contraire.

Certains ont dit que l’oralité accordait un certain pouvoir. On ne pouvait trouver la connaissance qu’en trouvant quelqu’un pour vous la transmettre, et pour vous donner les clefs qui vont avec. Il y a là une vérité importante. Dans notre société de l’écrit, nous avons accès à une très grande quantité d’informations. Cependant, ceci n’a pas changé notre monde pour le meilleur et cette avalanche de renseignements ne nous donne pas les clefs tant désirées. Dans notre domaine, « l’information » n’a finalement que peu d’importance. La « transformation » est plus proche de notre façon de faire.

Lorsqu’on parle de recette de cuisine, l’écrit ne pose pas trop de problème. 3 pincées de sel ne sont pas égales à 3 cuillères à soupe. Mais lorsque nous parlons de spiritualité, les choses sont très différentes. Le texte peut devenir un obstacle et il le devient souvent. Prendre un rituel magique et en faire de la « cuisine » ne fonctionnera souvent pas très bien. Utiliser un texte comportant des symboles et l’appliquer tel quel peut causer des dégâts. Il y a souvent de multiples interprétations d’un texte au delà de « l’histoire » qu’il raconte. Un symbole peut se dégrader dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Avant de tenter l’expérience, il est nécessaire d’avoir compris quelque chose de l’arc-en-ciel. C’est ce qui fait la richesse d’un texte mythique. Et là, l’écrit n’a qu’une importance relative. Ce travail n’est pas fait en 5 minutes. Il prend du temps et les choses se dévoilent petit à petit.

Cette façon de faire est à l’image d’un cheminement druidique. Du temps. Nous en manquons souvent avec notre façon de vivre plus que stressée. A leur manière, les anciens manquaient aussi de temps. On vivait beaucoup moins vieux à l’époque des druides que maintenant. La question est la même et le cheminement est lui aussi semblable. Il s’agit parfois de priorités.

On dit parfois aussi qu’écrire fige les choses. L’écriture fige effectivement si on adopte une lecture littérale et qu’on oublie les images du texte. Les textes nous rapportant les mythes gallois et irlandais nous ont beaucoup apportés sur la spiritualité de nos ancêtres. Et pourtant ils sont écrits ! Leur écriture est si pleine de symboles qu’une lecture au niveau de l’histoire qu’elle raconte est rapidement lassante.

La question de la mémoire se pose. L’appris par coeur ne résout pas tous les problèmes. On peut apprendre sans comprendre tout comme on peut lire sans comprendre ce que l’on lit. L’appris par coeur est cependant un outil d’intégration. Et parfois la répétition conduit à des révélations. Il a une certaine fiabilité qui est cependant liée à la mémoire du transmetteur. A ce niveau, l’écrit est peut-être plus fiable quoi que nous ne soyons pas à l’abri d’erreurs de copie. Le grand avantage de la transmission orale est la transmission de la signification, du sens de ce qui est appris. Donner du sens fait partie des tâches du druide envers ses cheminants ou ses « apprentis ». Et apprendre à donner du sens en fait aussi partie.

La communication « druidique » comporte beaucoup d’images et de symboles. Apprendre à les décrypter, à lire entre les lignes est une forme de communication intéressante et très révélatrice. Si je dis qu’un objet est couleur « ciel », je peux parler de bleus, de blancs, de gris, de rouges et de jaunes, etc… Suivant ce que vous comprenez, vous révélerez quelque chose de plus intéressant pour un travail spirituel que si je dis que l’objet mentionnée est « bleu ciel ».

Cette forme de communication et de transmission est intéressante pour un travail spirituel. Elle l’est nettement moins pour d’autres choses où la précision et la rigueur sont de mise. Si vous dites à une infirmière de donner au patient « du bout du couloir » le médicament qui est sur l’étagère de la pharmacie…. Dans une situation comme celle là, il est indispensable de mentionner le nom de la personne, le nom du médicament et son dosage.

La communication symbolique comporte aussi ses dangers. Il y a mille et une façons de se perdre. L’objectif n’est pas d’arriver au but le plus vite possible mais de faire le cheminement nécessaire. Ce cheminement est souvent fait d’errances, de mauvais temps et de brouillard, parfois de soleil aussi. Mais il est riche.

Lors de l’arrivée du christianisme, la société celtique traditionnelle s’est trouvée devant un dilemme. Les anciens mythes sombraient dans l’oubli. Et écrire ce genre de chose ne se faisait pas. Quelle solution adopter ? Les écrits qui nous ont été transmis sont structuré d’une façon géniale. Ils respectent les habitudes druidiques de l’interprétation et des symboles. Une personne n’ayant pas la connaissance ou la clé permettant de comprendre arrêtera rapidement sa lecture qu’elle trouvera probablement très étrange. Le texte n’aura que peu de sens. Par contre, il prendra un certain relief si on prend le temps d’assimiler les symboles du druidisme. Ceux qui ont écrits leurs mythes ont donc fait une oeuvre de maître : transmettre sans donner le sens. Ils ont donc respecté la culture antique orale et l’ont préservée de l’oubli. Nous n’avons pas toujours cette sagesse mais lorsque nous employons l’écrit, c’est vers ceci que nous devons tendre…

Roseau

Raide mais souple, Ensemble

Oser le paradoxe, Nuage soufflant

Se délecter de son duo, Avec le vent

Entourloupe, Cercle du voyant

Avec grâce, Cape ample

Union enracinée, Eau et guérison

Je lisais récemment sur internet l’article de quelqu’un qui pensait que les Dieux celtes se divisaient en 3 catégories :

  • les ancêtres
  • les Dieux du sol
  • les Dieux de la tribu.

J’étais un peu surprise de cette façon de penser. Tout d’abord parce que les Ancêtres ne sont pas des Dieux. Sinon, nous deviendrions tous des Dieux à notre mort. Ceci ne veut pas dire que les Ancêtres n’ont pas de valeur, bien au contraire. Mais il faut les laisser à leur juste place. Nous les révérons, particulièrement à Samhain où le voile entre les mondes devient ténu pendant une courte période.

Séparer les Dieux du sol et les Dieux de la tribu ne me semble pas très judicieux non plus. Certes, nous avons des Déesses et des Dieux en lien avec l’agriculture au sens large et d’autres plus spécifiques à certaines tribus ou à certains peuples. Pour prendre un exemple, Aventia, la déesse d’Avanches, est une déesse des eaux locales. Mais nous avons d’autres déesses qui ont des mêmes caractéristiques qu’elle. Elles sont certes connues sous un autre nom mais restent Celtes. Par exemple Divona ou Sequana.

On met parfois le vocable « d’Irlandais », de « Gallois » sur certains Déesses et Dieux. Certes, leurs traces ont été retrouvées dans un endroit plutôt qu’un autre et la consonance de la langue parle en faveur d’une origine plutôt que d’une autre. Mais ceci ne signifie pas qu’ils n’ont été honorés que dans cette région du pays Celte.

Vous me direz peut-être que Arduina est certainement une déesse provenant des Ardennes. Mais le lieu a-t-il donnée son nom à la Déesse ou la Déesse au lieu, pour une raison particulière perdue actuellement ? Personne ne pourra probablement répondre avec certitude à cette question. En Suisse, nous avons des traces de Lug. Ce Dieu n’est pas connu pour être un Dieu spécifiquement Helvète, ni même Gaulois. Il était cependant aussi révéré ici.

La mythologie celte nous parle plutôt de « couples » que de division entre fonction. Il ne faut cependant pas les prendre dans un sens humain car nous perdrions vite la tête. On a parfois l’impression qu’une telle est tout d’abord « femme », puis « fille », puis « soeur » d’un Dieu spécifique.

Lorsque nous faisons une initiation, il est d’habitude, en tous cas dans notre groupe, d’adopter un nouveau nom. Ce nouveau nom, parfois public, parfois non, est comme une « porte ouverte » sur autre chose. La personne a changé tout en restant la même.

Je me demande parfois si ce n’est pas semblable dans le monde des Déesses et des Dieux. Plusieurs noms et plusieurs fonctions pour un «archétype» proche ou semblable. Je me rends bien compte que je fais là une réduction. La réalité des Déesses et des Dieux est bien au delà de ce que nous pensons ou estimons, ou au delà des archétypes. En tant qu’humain, nous n’avons accès qu’à une toute petite partie de leur monde.

Nous ne pouvons et ne devons pas mettre les Déesses et les Dieux « en boite ». Ils ont certes des qualités parfois différentes, qui se chevauchent. Nous avons accès à leur monde de façon limitée, mais nous devons faire attention de ne pas les limiter.

On m’a récemment posé une question intéressante : devons-nous chercher les dieux ou attendre qu’ils se manifestent ?

La réponse est probablement mixte. J’ai cherché certaines Déesses et certains Dieux, sans beaucoup de « succès ». Par là, je veux dire que je n’ai pas eu l’impression d’avoir un contact ou une réponse de leur part, malgré mes offrandes et mes prières.

Pour d’autres, une réponse est venue assez rapidement. L’expérience a parfois été saisissante et j’en suis restée sans voix pendant un certain temps.

Pour d’autre encore, surtout avec des Déesses et Dieux que l’on honore particulièrement à une certaine période de l’année, les choses se sont brusquement décantées, sans que je ne sache vraiment pourquoi. Des Déités honorées années après années ont un jour répondu et sont restées présentes, ou reviennent de façon périodique.

Certains autres se sont spontanément manifestés, sans réelle recherche de ma part.

Ces temps de « révélation » ne sont pas prévisibles ou négociables. Ils peuvent survenir dans des endroits inattendus. Pour une raison ou une autre, quelque chose se déclenche. Une pratique régulière de la méditation est une bonne base mais une ballade dans la forêt, une recherche dans un musée ou sur un lieu particulier peut aussi faire l’affaire.

Il faut cependant parfois un peu de recul avant d’avoir ce genre d’expérience. Savoir travailler en cercle, connaître les éléments, etc… sont des bases importantes avant de faire ce travail. Et surtout, savoir pourquoi….. Appliquer une recette ne fonctionne pas vraiment. Si vous prenez la recette d’un grand chef et que vous tentez de la faire chez vous, vous n’obtiendrez probablement pas la même chose que si vous allez la manger dans son restaurant. Il a derrière lui des années d’expérience qui font qu’il connaît son fournisseur, sait comment cuire l’aliment et connaît sa cuisinière ou son four « sur le bout des doigts ».

Quelqu’un me parlait une fois d’une expérience un peu difficile dans ce domaine. Le Dieu qu’il avait évoqué et cherché n’était pas un Dieu « facile ». Lorsqu’on fait une telle démarche, il faut être prêt à la rencontre quelle qu’elle soit et où qu’elle se produise.

Lorsqu’on parle de Déesses et de Dieux, il y a peu de choses prévisibles et beaucoup de surprises, parfois très inattendues. Mais l’expérience vaut la peine. A vous de chercher….. et de trouver.

Nous voici à l’aube de l’été. Les plantes poussent de partout, à qui mieux mieux. C’est à laquelle fleurira plus vite et plus beau. Après bientôt 2 ans d’efforts, je vois le bout de mon école de plantes médicinales. Des cours jusqu’en septembre, puis un examen final en novembre. Ces derniers mois, j’ai aussi dû écrire un mémoire. J’ai choisi de travailler avec les plantes d’ici, celles que l’on trouve depuis très longtemps sur nos terres, celles que les ancêtres de nos ancêtres celtes avaient à disposition pour se soigner. L’archéologie nous donne des indications sur les plantes présentes chez nous. Plus de 90 simples ont été retrouvées dans la région de Neuchâtel. Avec ces dernières, nous pouvons soigner toutes les pathologies courantes. Certaines sont très connues comme le pissenlit le bouleau ou l’ortie. D’autres sont peut-être un peu moins connues comme médicinales : le noisetier, l’avoine, la reine des prés.

Nous cherchons souvent dans les plantes exotiques pour nous soigner de façon naturelle. En soi, ceci n’est pas juste ou faux. Mais avant de chercher si loin, n’oublions pas ce qui est juste sous nos pieds.

Les plantes transportent une énergie avec elles. L’énergie de leurs ancêtres-plantes, celle du lieu où elles vivent traditionnellement et celle du lieu où elles ont poussé. Si nous vivons aussi dans le même lieu qu’elles, la combinaison des énergies permettant de soigner devient très importante. On peut avec cela créer une « synergie » d’énergies.

La question du lieu où la plante a poussé est intéressante. L’énergie de ses racines et l’énergie de nos racines, si elles se rencontrent, peuvent faciliter ou développer l’enracinement ou d’autres qualités. Que se passe-t-il si mes racines sont Suisse, « château d’eau de l’Europe », et que j’absorbe une plante originaire du désert ? Vous me direz que les molécules actives sont les molécules actives, et vous aurez raison. Mais au niveau énergétique, comment se sentira une plante habituée à la sécheresse dans un corps habitué à l’humidité de nos contrées ? Elle ne pourra certainement pas développer tout son potentiel.

Être dans un lieu familier est toujours plus facile pour nous. Le même principe s’applique aux plantes qui soignent. Elles soigneront différemment dans un milieu qui leur est familier.

La question des ancêtres plantes et de nos ancêtres est aussi intéressante. Ces derniers n’employaient pratiquement que les simples de leur entourage. Elles ont gardé dans leur graines et leurs gênes certaines informations qui peuvent être importantes. Si leur passé est ailleurs, ce qu’elles pourront nous donner proviendra aussi d’ailleurs et ne sera pas toujours en adéquation avec le lieu dans lequel nous vivons.

On parle souvent de la tradition millénaire de certains pays orientaux. Mais la nôtre l’est aussi. Nous la méprisons parfois trop. Certes, certaines recettes antiques peuvent parfois sembler étrange. Plutôt que de les mettre de côté sans réflexion, ne serait-il pas plus judicieux de réfléchir à ce que la recette veut transmettre. J’ai récemment lu une recette comportant de la graisse de chien. Avant de mettre cette recette à la poubelle, ne serait-il pas plus intéressant de réfléchir aux qualités de cette graisse et à celles de son animal, et peut-être de retrouver ces qualités dans d’autres ingrédients ?

Alors, avant d’aller puiser dans des traditions lointaines, il serait peut-être judicieux de s’approprier de nos racines, de nos graines…. et de nos ancêtres….

Ceridwen et Taliesin

Il était une fois, entre les mondes, une femme très belle, une reine magicienne. Comme beaucoup de ses semblables, elle était colérique et parfois très exigeante. Mais, écoutez plutôt son histoire :

Je m’appelle Ceridwen. Je suis reine, magicienne et mère. Et comme toute reine, j’ai offert l’amitié de ma cuisse à un homme, afin de lui permettre de régner. En fait, je l’ai fait pour le plaisir et parce que je voulais des enfants. Et que seule…. Même avec la meilleure magie, c’est difficile. J’ai choisi un homme souvent absent afin de garder mon indépendance. Et comme je voulais des enfants dotés du caractère guerrier, j’ai donc choisi un grand guerrier, Tegid Voel. Seulement, il est chauve. Vous vous rendez compte, un guerrier chauve ? Alors que chez nous la chevelure est symbole de force masculine… Mais je l’ai choisi pour pouvoir explorer le pouvoir de la magie. J’espérais avoir des enfants chevelus à faire pâlir toute ma cour et ainsi démontrer ma toute puissance.

La première fois, tout c’est bien passé : une merveilleuse fillette blonde est née, encore plus belle que sa mère, mais au caractère bien trempé de son père. C’est ce que je voulais. Pour le second enfant…. tout à été chamboulé. Rien ne s’est passé comme je le voulais. Et je me suis retrouvée avec un nouveau né laid, ridé et chauve…. au point de ne pas oser le montrer. J’ai pensé être la risée de ma cour. J’ai voulu l’abandonner aux flots, sans succès. Cet enfant m’est revenu. J’ai tenté encore et encore de m’en débarrasser, sans jamais y arriver. Mes servantes se sont occupées de lui. Finalement, lasse de vouloir m’en séparer, j’ai tenté une autre stratégie. J’ai voulu l’aider. C’était quand même mon fils.

J’ai donc été consulter mes grimoires les plus anciens et les plus secrets, et j’ai récolté les herbes les plus rares et les condiments les plus épicés. Je n’ai pas osé tenter d’en faire un canon de beauté. J’avais déjà raté une fois avec lui. J’ai donc choisi de lui offrir la beauté intérieure et la sagesse. Après avoir récolté tous les ingrédients nécessaires, j’ai trouvé un vieil aveugle et un enfant pour touiller ma marmite. La recette demandait que le mélange bouille pendant un an et un jour, sans arrêt.

Est arrivé enfin le grand jour. J’ai été cherché mon fils mais j’ai senti soudainement que quelque chose n’allait pas. C’est comme si tout s’effondrait autour de moi. Brusquement, j’ai compris. Quelqu’un avait volé les 3 gouttes magiques du breuvage de mon enfant. Vous vous rendez compte ???? Voler ça ??? Mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai fait la colère du siècle. Mon instinct m’a montré qui avait volé ma magie : l’enfant qui surveillait le feu avec le vieil aveugle était coupable. On a tenté de m’expliquer que la marmitte bouillait un peu fort et que 3 gouttes du brevage avaient sauté sur la main de l’enfant, que ce dernier avait mise à sa bouche. Balivernes !!!!! J’ai donc poursuivi l’enfant pendant des heures. Utilisant sa connaissance nouvelle acquise de son odieux vol, il est devenu lièvre, poisson, oiseau puis grain de blé au milieu de ses semblables. J’ai donc dû me métamorphoser en lévrier, loutre, faucon, puis en poule noire pour le rattraper. De rage, je l’ai avalé.

Grand mal en a suivi ! Je suis tombée enceinte. L’enfant était bien mort, je l’avais tué mais il allait revenir. 9 mois plus tard, j’ai accouché dans un endroit secret, seule, afin de supprimer cet enfant avant qu’il ne pousse son premier cri. Seulement….cet enfant avait la beauté de ma première fille. Je n’avais pas cherché à l’entourer de magie mais elle avait opéré d’elle-même. Finalement, ne pouvant me résoudre à le garder, j’ai tissé un panier et j’ai confié cet enfant aux flots, espérant m’en débarrasser à tout jamais.

Il ne m’était pas possible de refaire la recette du grimoire pour mon horrible fils. J’ai cru en mourrir et j’ai passé des mois et des mois au fond du trou. Ce dernier a donc grandi, comme il était…. et moi, j’ai dû apprendre à l’accepter. En grandissant, ses traits se sont adoucis, ses yeux enfoncés sont sortis de leurs orbites. Il s’est affiné, ses cheveux ont poussé et bientôt, les filles le regardaient avec une certaine envie. Il semblait que j’étais la seule à trouver qu’il avait autant changé. L’entourage de ma cour disait que ce bébé avait toujours été normal, avait grandi sans problème et était devenu le beau jeune homme auquel on pouvait s’attendre.

Un jour, en visite à la cour de Magelwin, je n’en ai pas cru mes yeux. J’étais toujours au fond du trou et j’ai cru avoir une hallucination. Il était là…. mon enfant abandonné….. déjà devenu adulte accompli et barde si talentueux après si peu de temps. Là, j’ai presque été fière de mon enfant, mais aussi jalouse de ce qu’il était devenu. C’était LUI qui avait volé mon breuvage. C’est mon vrai fils qui aurait dû être ce poète magique !

Il était devenu Taliesin, le barde de Elfin et pour me venger, j’ai fait mettre ce dernier en prison en manipulant Magelwin, puis j’ai tenté de démontrer que la femme de Elfin n’était pas fidèle. Peine perdue…. Finalement, Taliesin a rendu riche le fils de son protecteur en lui accordant un trésor. Là, j’en ai perdu les pédales. J’étais toujours au fond du trou, tout était vraiment terminé pour moi.

Taliesin est finalement venu me voir. En fait, il m’a coincée au fond d’un couloir. Je n’aurais jamais accepté de le recevoir. Et tout ce qu’il m’a dit, c’était merci. Merci de lui avoir accordé la vie et d’avoir fait de lui ce qu’il était aujourd’hui… Je ne l’ai plus jamais revu. Mais depuis lors, je vis en paix, seraine avec mes deux autres merveilleux enfants.

Nous vivons dans un monde à la fois très différent et très proche de celui de nos ancêtres. Certes, vous me direz que, avant tout, notre monde est différent et vous aurez certainement raison. Nous avons la TV, l’avion, les changements incessants. Il y a 150 ans, les choses étaient probablement plus calmes. Pour ne pas parler de 2000 ans ou plus. On idolâtre parfois le passé. Tout y était mieux. La plupart des gens vivaient certainement une vie plus tranquille et le stress n’était probablement pas le même. En effet, nous ne savons plus, pour la plupart d’entre nous, ce que signifie ne pas savoir comment nous allons nourrir nos enfants et notre bétail pendant l’hiver car la moisson et les foins n’ont pas été bons ou comment éviter la contagion de la peste. Nous n’avons pas non plus l’habitude de devoir fuir devant un animal sauvage en colère, ou de devoir nous battre contre ce dernier. Nous n’obligeons plus nos enfants à se marier pour des questions de convenance. Ce genre de stress est certes différent de ce que nous vivons mais il devait être bien présent lorsque ces situations se présentaient.

Il me semble cependant que la notion du « toujours plus vite, toujours plus, en moins de temps » n’était pas présente. Lorsqu’on voit, par exemple, la minutie des bijoux ou d’autres objets de la période celtique, d’autres valeurs transparaissent. Si on regarde encore plus loin, du temps des menhirs, il semble que les activités de survie comme la recherche de nourriture ou d’un abri, ne prenaient pas tout le temps des populations. Que faisaient-elles donc du temps restant ? Au delà des constructions de pierre qu’ils nous ont laissées, personne ne pourra répondre à cette question de façon certaine, même si leurs oeuvres artistiques nous donnent un début de réponse.

Comment organiserions-nous nos journées si nous ne travaillions que le matin, et encore autour de notre domicile ? Faire les choses les unes après les autres, sans regarder l’heure, sans se presser est un exercice intéressant. Tout d’abord parce qu’il nous change de notre train-train habituel. Et pratiquer des activités sans horaire et sans stress, dans un esprit méditatif, déclenche certaines choses. On ne parle pas beaucoup de ce genre de « méditation active » mais elle est intéressante. On peut aussi le faire lors d’une ballade tranquille, en forêt. Un pied devant l’autre, sans but précis.

C’est comme entrer dans un cercle. Les activités, que ce soit la marche ou autre chose, deviennent « rondes ». On peut aussi retrouver cet état lorsqu’on pratique un art pratiqué depuis toujours, par nature plus lent que notre rythme actuel. Tricoter une paire de chaussettes ou fabriquer une amulette prendra plus de temps que de les acheter au bazar du coin. Ces objets changeront aussi de valeur. Ces activités nous permettent, d’une certaine manière, de sortir de la spirale rapide du temps actuel et de rentrer dans un autre temps. Un temps plus proche de celui de nos ancêtres. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et ce serait folie de notre part de tenter de le faire. Mais ces moments, « volés » au temps actuel, nous permettent de « voyager dans le temps » d’une nouvelle façon.

Notre société actuelle est une société monothéiste, en tous cas en superficialité et dans le reflet qu’elle nous donne de sa religion principale. Pour notre part, nous sommes polythéistes. Nous avons donc un panthéon. Pour la plupart d’entre ceux de nous qui avons un arrière plan monothéiste avant d’arriver au druidisme, vivre avec un seul Dieu n’a pas été une très bonne expérience. Que donc dire lorsqu’on se trouve face à une multitude de Déesses et de Dieux ? La transition n’est pour le moins pas toujours simple.

La religion celtique n’a pas de représentation de ses Déesses et de ses Dieux. Celles que nous avons datent de la période romaine et sont souvent influencées par celle-ci. Donc, ce que nous avons ne correspondent probablement pas entièrement à l’imagerie de nos ancêtres. D’ailleurs, avaient-ils une imagerie interne de leur Dieux ? Si oui, laquelle ? Nul ne le saura probablement jamais.

Suivant la région où nous habitons, le panthéon peut aussi varier. En Suisse-Romande, on trouve par exemple Aventia, Déesse d’Avenches, ou Alpus, Dieu des Alpes. Les musées d’archéologie sont souvent de bons endroits pour retrouver leur nom, et parfois certaines de leurs caractéristiques.

Il y a quelque chose d’incommunicable lorsqu’on rentre dans le domaine des Déesses et des Dieux. Peut-être parce que nous sommes à la limite entre notre culture, nos croyances et ce que nous sommes, et le Sacré. Il y a donc là quelque chose à expérimenter plutôt qu’à étudier, même si les listes sont un outil indéniable pour celui qui débute.

Comme le travail doit être pris par un bout, on commence souvent par « choisir » une Déesse ou un Dieu et chercher à entrer en contact, par exemple en faisant des offrandes ou des prières. La réponse peut être fulgurante, ou nulle malgré tous nos efforts. On ne peut rien prévoir. Et le « silencieux » peut soudainement réagir plus tard dans le temps. Parfois, les Déesses et les Dieux peuvent se manifester durant nos temps de méditation, durant certaines expériences proches du chamanisme ou sembler brusquement agir sur les circonstances.

Il faut cependant faire attention dans nos interprétations. Le monde des Dieux n’est pas le monde humain. Il est au delà de nous. Certes, il touche les archétypes mais va aussi au delà de ceux-ci. On ne peut pas mettre les Dieux dans une boite. Nos visualisations sont limitées et nos Déesses et nos Dieux vont bien au delà de nos représentations.

Ils ont cependant des caractéristiques. La déesse d’une source aura probablement des activités de guérison, un déesse sur un cheval un aspect psychopompe. Il peut être important aussi de réfléchir aux temps de l’année et aux saisons. Lug, sous son aspect guerrier, se montrera probablement mieux en été, lançant sa lance au travers des rayons du soleil. Lug étant un Dieu aux capacités multiples, si vous désirez ses capacités de guérison, le petit soleil d’hiver doux reflétera peut-être mieux ces dernières. Et Lug joueur de harpe sera encore autre. Mais partir en quête de fonctions spécifiques est un travail d’ovate.

La quête des Dieux n’est jamais facile. Ce n’est habituellement pas une recherche pour les débutants. Il est préférable de commencer par des gardiens et des « animaux de pouvoir ». Ces derniers sont généralement plus proches et plus faciles d’accès. Une fois la relation bien établie, la quête des Dieux peux commencer. Ils peuvent parfois sembler lointains, un peu inaccessibles, à raison. Si nous avons à faire à des archétypes, nous avons aussi à faire à quelque chose de « tout autre », difficilement mis en mots. Et si nous entrons en relation avec eux, c’est souvent par de « petites touches ». Mais cette quête est passionnante. Il y a là des choses à réveiller qui parfois dorment depuis des générations et le résultat peut être….. surprenant.

Carmina Gadelica

L’une des façons pour le christianisme d’éradiquer le paganisme a été de christianiser les fêtes païennes. En effet, il est pratiquement impossible d’empêcher une population de fêter ce qu’elle a fêté depuis longtemps. Imaginez maintenant que l’on interdise Noël. La plupart des gens feraient tout de même une fête ce soir là, peut-être un peu plus discrète que d’habitude. Et pourtant, la bible ne donne aucune date de naissance pour Jésus….

La fête du 1er novembre est un autre exemple. Les païens de nos régions célébraient leurs ancêtres et le début de l’année celtique. Le christianisme en a fait la fête des morts probablement parce que les premiers missionnaires n’arrivaient pas à éradiquer cette célébration. Cette fête n’a pas beaucoup plus de fondement biblique que celle de Noël…. On pourrait multiplier les exemples.

Il existe un recueil irlandais de prières anciennes, le Carmina Gadelica. En grattant un peu la surface de ces prières et en les modifiant légèrement, on peut retrouver quelque chose qui est probablement proche des prières pré-chrétiennes.


La Vouivre Victorieuse 77


Par la vouivre victorieuse

Je voyage protégé par son œil

La vouivre et son œil rouge

Et la lame brillante de sa queue

Conquérant ses ennemis

Protégeant mes arrières

Gardienne de la Terre

Combattante des Dieux

O Vouivre victorieuse

Mon orgueil et mon guide

O vouivre victorieuse

Mon regard te glorifie


Je voyage

En symbiose avec ma reine

Au bord de la mer, dans les prairies

Sur les froides collines de la lande

Même si je traverse l’océan

Et les dures rondeurs de la Terre

Rien ne peut m’arriver

A l’abri de ton bouclier

O victorieuse vouivre

Joyau de mon cœur

O vouivre victorieuse

Tu es ma protectrice


Soit la triplicité sacrée

Et en paix avec moi

Avec mes chevaux, mon bétail

Avec mes troupeaux de moutons laineux

Avec les moissons poussant dans le pré

Ou récoltées en gerbes

Sur la côte, dans la lande

Dans les choux empilés ou la meule

Tout ce qui est en haut ou en bas

Le mobilier et les troupeaux

Proviennent de la triplicité sacrée

Et de la vouivre, victorieuse


Versions irlandaise et anglaise, malheureusement pas en français : http://www.smo.uhi.ac.uk/gaidhlig/corpus/Carmina/

L’exemple ci-dessus est aussi un exemple de christianisation. Les Eglises dédiées à St-Michel et à sa victoire sur le dragon (comme dans la version christianisée du Carmina Gadelica) sont souvent des endroits où la vouivre est très présente.


Je déménage à nouveau….. donc, à bientôt.

Célébrer le rythme du temps

La plupart des groupes druidiques célèbrent actuellement 8 fêtes par année. La Clairière Helvetia et l’Assemblée du Chêne et du Sanglier ne font pas exception. Toutes les 6 semaines environ, nous organisons un rituel de célébration. Ceci nous permet de parcourir la Roue de l’Année en suivant les saisons. Ces célébrations sont comme des portes à passer.

En plus des portes, il y a un certain nombre d’activités qu’il est possible de faire pour célébrer le rythme du temps. Elles sont aussi importantes et renforcent parfois le travail du rituel. En Suisse en tous cas, il est intéressant de voir le nombre d’activités qui sont toujours en cours aujourd’hui ou qui ont été remises au goût du jour.

Peu après l’équinoxe d’automne dernier, j’ai assisté à une désalpe. Les troupeaux reviennent des montagnes pour passer l’hiver à une altitude plus basse. Les paysans de montagne défilent en costumes traditionnels avec leurs vaches décorées qui sont présentés à tous la population. Il y a bien sûr la fierté des paysans de montrer leurs troupeaux… et parfois aussi la tension de devoir les faire marcher au bord d’une route où passent les véhicules les plus divers, du vélo à l’autocar.

La plupart des alpages du village où j’étais transforment leur lait en fromage. On pouvait donc repartir avec sa meule sous le bras, ses pommes, sa saucisse sèche et ses patates pour tout l’hiver, envahi par le son des cloches protectrices, sonneuses à cornes et sonneurs à bras, charmé par les cors des Alpes et le lanceur de drapeau.

Nous ne faisons actuellement plus de réserves à domicile pour passer l’hiver. Mais faire un acte symbolique et rentrer à domicile avec des provisions « pour l’hiver » nous aide à rentrer dans le cycle du temps et des saisons et nous rappelle que passer l’hiver au chaud et nourri n’a pas toujours été une évidence, même dans notre pays.

Peu avant le rituel de Samhain, une descente dans un « chauderon » naturel entre 2 montagnes, accompagné par le chant d’une petite rivière alpine m’a fait brusquement réaliser que la porte de Samhain était là. Fin janvier, dans plusieurs cantons suisses, on organise une vente de mimosa en faveur des enfants défavorisés. Cette fleur jaune m’accompagne depuis longtemps dans mes rituels d’Imbolc.

Les exemples pourraient être démultipliés. Mais il y a là des secrets à redécouvrir…..